PROTECT YOUR DNA WITH QUANTUM TECHNOLOGY
Orgo-Life the new way to the future Advertising by AdpathwayDans plusieurs années, lorsqu’il repensera à son premier repêchage à titre de directeur général des Islanders de New York, Mathieu Darche classera probablement cette journée parmi les plus mouvementées de sa vie. Ce n’est pas tous les jours qu’un DG détient le tout premier choix d’une séance de sélection. Et il est rarissime de voir un dirigeant d’équipe échanger l’un des meilleurs jeunes défenseurs de sa génération.
Tout cela nous mène à la question qui tue : pourquoi, justement, Darche a-t-il jugé qu’il améliorait son équipe en échangeant un arrière aussi talentueux que Noah Dobson? J’y reviendrai plus loin.
Darche s’est fait des millions de nouveaux amis au Québec en cédant Dobson au Canadien en retour de l’attaquant Emil Heineman ainsi que des 16e et 17e sélections que détenait le CH au premier tour.
Kent Hughes et Jeff Gorton, qui n’ont certainement pas la réputation de lancer leur argent par les fenêtres, ont tout de suite consenti un contrat de 8 ans et 76 millions de dollars à cet arrière cochant pour eux toutes les cases imaginables : Dobson est droitier, il fait 6 pieds 4 pouces et il est doté d’un exceptionnel sens du hockey.
Avec Lane Hutson, le CH aligne désormais deux des meilleurs distributeurs de rondelles de la LNH au sein de sa brigade défensive.
Dans le monde du hockey, cette transaction a étonné énormément de gens. La plupart des recruteurs soutenaient que la cuvée du repêchage de 2025 était peu profonde en termes de talent. De l’avis général, les chances de mettre la main sur un joueur dominant après les 10e ou 11e sélections s’amenuisaient considérablement.
Cet avis semblait d’ailleurs partagé par plusieurs directeurs généraux qui s’étaient dit prêts à échanger leur première sélection.
Dans ces conditions, céder les 16e et 17e choix pour obtenir Dobson ne nécessitait pas une longue réflexion. Probablement pas de réflexion, en fait. Et même si Heineman est un sapré bon gars et un combatif jeune attaquant, il n’y a assurément pas eu d’hésitation dans son cas non plus.

Emil Heineman
Photo : Getty Images / Sarah Stier
La saison-recrue d’Heineman s’est jouée en deux temps.
À la mi-campagne, il avait inscrit 10 buts et 7 mentions d’aide. Et même si Martin St-Louis ne l’utilisait que 10 minutes par match, Heineman récoltait en moyenne 1,90 point par tranche de 60 minutes de jeu (à 5 contre 5). Sa moyenne était la cinquième plus élevée de l’équipe à ce moment. Sans oublier le fait que son inlassable échec-avant donnait un mordant inespéré au quatrième trio qu’il formait avec Jake Evans et Joel Armia.
Puis Heineman a été heurté par une voiture à Salt Lake City le 13 janvier, la veille d’un match opposant le Tricolore au Utah HC.
Evans et Armia ont perdu leurs moyens en son absence. Et quand le Suédois est revenu au jeu à la fin de février, il n’a jamais retrouvé ses ailes. Il n’a récolté aucun point à 5 contre 5 jusqu’à la fin du calendrier régulier.
Cela dit, si Heineman retrouve à Long Island l’élan qu’il avait avant ce fâcheux accident, les Islanders miseront sur un excellent joueur de troisième trio, capable de marquer entre 15 et 20 buts par saison.
Mais tout cela semble modeste en comparaison avec ce que Dobson a déjà accompli depuis le début de sa carrière.
Voilà un défenseur qui a remporté deux coupes Memorial dans la LHJMQ (avec Acadie-Bathurst et Rouyn-Noranda) avant de faire le saut dans la LNH à l’âge de 19 ans.
À ses premiers 388 matchs dans la LNH, Dobson a amassé 230 points, soit plus que Roman Josi, Devon Toews, Miro Heiskanen et Torey Krug à ce stade de leur carrière.
En 2023-24, Dobson a récolté 70 points et 35 passes décisives. Au cours des quatre dernières saisons, seulement cinq autres défenseurs de la LNH sont parvenus à obtenir autant de mentions d’aide au cours d’une même campagne: Erik Karlson, Roman Josi, Josh Morrissey, Quinn Hughes et Rasmus Dahlin.
Dobson est aussi un arrière fiable défensivement. Même s’il n’est pas reconnu pour sa robustesse, il ne craint pas de sacrifier son corps dans le feu de l’action. Au cours des quatre dernières saisons, il a notamment bloqué 623 tirs, ce qui le classe au 28e rang de la LNH. Parmi les défenseurs qui portaient les couleurs du CH la saison dernière, seul David Savard (755) a bloqué plus de tirs que lui.
On parle par ailleurs d’un arrière qui s’attarde aux détails et qui déploie continuellement des efforts pour s’améliorer. Un exemple : il n’a pas hésité, il y a quelques années, à faire installer une glace synthétique à l’arrière de son domicile à l’Île-du-Prince-Édouard.
Depuis ce temps, Dobson tire environ 20 000 rondelles chaque été. Avec le temps, cet acharnement lui a permis d’ajouter 24 km/h à la vélocité de son tir, qui est par le fait même devenu une solide arme offensive.
Il s’est toutefois passé quelque chose lors de cette fameuse saison 2023-24.
Après 54 matchs, Dobson comptait déjà 58 points à sa fiche et il présentait un différentiel de +20.
En février 2024, les Islanders disputaient un match en plein air face aux Rangers au MetLife Stadium, le domicile des Mets de New York. Il y avait 80 000 amateurs dans les gradins. Et Patrick Roy dirigeait les Islanders depuis moins d’un mois.
Après 60 minutes, le pointage était de 5-5. Dobson avait récolté trois mentions d’aide et il était sans contredit l’une des grandes étoiles de cette rencontre. Dix secondes après le début de la prolongation, seul en zone défensive, le jeune défenseur a toutefois risqué une passe soulevée un brin nonchalante pour tenter de lancer une attaque. Artemi Panarin a facilement intercepté cette passe et il a scellé l’issue de la rencontre: 6-5 Rangers.

Les Islanders s'étaient inclinés 6-5 contre les Rangers lors du match en plein-air qu'ils ont disputé le 18 février 2024, au MetLife Stadium
Photo : Getty Images / Bruce Bennett
Il n’a pas été possible de savoir exactement ce qui s’est produit après cette erreur. Mais Dobson n’a amassé que 12 points en plus de montrer un différentiel de -8 lors des 25 derniers matchs de la saison.
Si ce point tournant n’était pas survenu, Dobson aurait aisément amassé plus de 80 points cette saison-là, soutient une source bien au fait du dossier.
Au cours des 20 dernières années, seulement neuf défenseurs ont amassé 80 points en une saison dans la LNH: Erik Karlsson, Roman Josi, Cale Makar, Quinn Hughes, Victor Hedman, Brent Burns, Zach Werenski, Evan Bouchard et Nicklas Lidstrom.
La saison dernière, Dobson a enchaîné avec une saison de 39 points (10-29) et n’a pu faire mieux qu’un bilan défensif de -16. Cette statistique fait sourciller plusieurs partisans du Canadien.
Or, il semble que Dobson, qui a raté 11 matchs, ait disputé une portion significative de la saison en dépit d’une blessure.
On comprend toutefois que quelque chose clochait entre Dobson et son entraîneur Patrick Roy.
Les gens croient que les Islanders ne voulaient pas le payer, mais ça n’a rien à voir, soutient-on.
Il y a notamment un débat au sein de l’organisation des Islanders, et particulièrement chez les défenseurs, au sujet du système de jeu préconisé par Roy. C’est le même système qu’il préconisait à Québec quand son club a remporté la coupe Memorial. Mais c’est un système qui demande une coordination parfaite entre les joueurs et qui ne pardonne pas dès que quelque chose cloche. Les attaquants de la LNH profitent rapidement de ce genre de failles quand elles surviennent, explique-t-on.
Dans le junior, les joueurs font comme on leur demande. Mais dans la LNH, quand leur gagne-pain est en jeu, les joueurs posent des questions. Puis ils se désengagent si on persiste avec quelque chose qui ne fonctionne pas.

L'entraineur-chef des Islanders de New York Patrick Roy lors d'un affrontement en plein-air contre les Rangers de New York, en février 2024
Photo : Getty Images / Bruce Bennett
En entendant cette histoire, on croit revoir le film des dernières saisons et du dernier début de campagne du CH, alors que les vétérans de l’équipe trouvaient le système de Martin St-Louis trop complexe pour être appliqué avec constance. Il a fallu que des sages comme David Savard interviennent pour que le positionnement en zone défensive soit simplifié et que le rendement de l’équipe adopte une trajectoire ascendante.
Au bout du compte, peu importe les raisons qui ont motivé cette transaction, une chose est toutefois certaine: Kent Hughes vient de réussir un coup énorme qui accélérera la progression de son club. C’est un moment pivot.
La brigade défensive du Canadien est maintenant incomparable à ce qu’elle était à la fin des dernières séries éliminatoires.