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Orgo-Life the new way to the future Advertising by AdpathwayQu’est-ce que le risque?
Dans le film Le Pion, une œuvre sympathique lancée en 1978, le professeur Bertrand Barabi demande à ses élèves de disserter sur cette profonde question à l’occasion d’un examen.
À la stupéfaction de ses camarades de classe, un garçon remet sa copie en une minute et quitte les lieux. Il a répondu Le risque, c’est ça . Et il obtient une note parfaite.
Si on demandait aux recruteurs du Canadien d’expliquer leur notion de risque de manière aussi concise, leur réponse serait peut-être Lane Hutson .
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Lundi, j’ai longuement discuté avec un recruteur qui revenait du camp d’évaluation que la LNH tient chaque année à Buffalo. Durant ce camp, les meilleurs espoirs en vue du repêchage sont soumis à des tests physiques et à des examens médicaux.
Mais surtout, les dirigeants d’équipes et leurs recruteurs profitent de cette occasion pour rencontrer les espoirs qui les intéressent le plus. Durant ces courtes entrevues, les dirigeants d’équipes tentent de se faire une idée sur la personnalité du joueur, sur ses valeurs et sur sa vivacité d’esprit.

L'état-major du Canadien, Jeff Gorton et Kent Hughes, est reconnu pour ses questions parfois surprenantes posées aux jeunes espoirs.
Photo : La Presse canadienne / Christinne Muschi
Il n’y a sans doute pas de mauvaise réponse à la question Quel animal vous représente le mieux? Par contre, la manière dont vous justifierez ce choix peut s’avérer un trésor d’informations.
Il y a des joueurs qui sont bien préparés et qui répondent toutes les bonnes choses, alors que d’autres sont plus nerveux et intimidés par ces rencontres. Il y a aussi des joueurs européens pour qui la langue constitue une barrière plus difficile à franchir. Mais au bout du compte, on finit toujours par apprendre quelque chose lors de ces entrevues , expliquait ce recruteur, qui venait d’assister à plusieurs dizaines d’entrevues à Buffalo.
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Les dix dernières minutes de notre longue conversation ont porté sur le caractère hautement imprévisible du processus de recrutement dans la LNH.
Malgré les millions qu’investissent les équipes pour épier les espoirs et compiler des données dans l’espoir de mieux décortiquer leur potentiel, rien n’y fait. Personne n’a encore trouvé le moyen de prédire avec un fort degré de certitude comment les performances d’un être humain de 17 ou de 18 ans évolueront sur une période de 5 ans.
Il y a quelques années, j’avais signé une chronique expliquant que sur une période de quatre ans, le taux de succès de recruteurs de la NFL frisait les 80 %. C’est à dire que près de 80 % des joueurs sélectionnés au repêchage avaient disputé l’équivalent d’une saison complète dans la ligue.
En revanche, le taux de succès des équipes de la LNH (toujours sur une période de 4 ans) se situait sous la barre des 17 %. Et la raison en est fort simple: les équipes de la NFL repêchent des athlètes universitaires âgés de 22 ou de 23 ans. Elles ont une bien meilleure idée du rendement que tel ou tel joueur sera capable d’offrir chez les professionnels dès la saison suivante.
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Tout cela pour dire que la meilleure manière de contourner le désavantage auquel font face les recruteurs de la LNH consiste à leur procurer le plus grand nombre de choix possible. Un peu comme au baseball, peu importe votre moyenne au bâton, vous finirez assurément par cogner plus de coups sûrs si vous vous présentez au marbre plus souvent.
Avoir une grosse banque de choix ne te permet pas seulement de sélectionner plus de joueurs. Ça te donne aussi le luxe de prendre des risques , expliquait mon interlocuteur.
Si ton équipe n’a pas de choix de premier tour et que son seul choix de deuxième tour se situe au 50e rang, tu n’as pas de marge de manoeuvre. Tu vas être plus porté à faire un choix conservateur. Tu vas miser sur un espoir qui a juste des chances de jouer dans la LNH.
Mais si tu as 5 ou 6 choix lors des 2 premiers tours, tu n’hésiteras pas à utiliser une ou deux de ces sélections pour faire des choix plus risqués. Tu vas peut-être choisir un gars ultra-talentueux qui est reconnu pour son caractère difficile. Ou encore, tu vas prendre un petit joueur qui a amassé des tonnes de points partout, mais dont tu doutes de la capacité à faire face à la rudesse du jeu de la LNH.
Comme Lane Hutson?
Eh voilà!!!! , a-t-il lancé, comme s’il s’agissait de la réponse ultime.

Lane Hutson en compagnie du directeur général du Canadien, Kent Hughes, et de la vice-présidente aux communications, Chantal Machabée, lors du repêchage 2022.
Photo : Getty Images / Bruce Bennett
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Au camp d’évaluation de la LNH en 2022, Lane Hutson faisait sa tournée d’entrevues avec une enveloppe jaune sous le bras. Cette enveloppe contenait des radiographies de ses plaques de croissance afin de convaincre les dirigeants d’équipes qu’il allait encore grandir un peu.
Son talent était indéniable : il avait amassé 95 points en 87 matchs au sein du programme de développement américain. Mais sa petite taille faisait peur à la plupart des évaluateurs de talent.
Cette année-là, le CH détenait un impressionnant total de 11 sélections au repêchage, dont quatre lors des deux premiers tours. L’organisation a misé sur Juraj Slafkovsky avec la toute première sélection et sur l’ailier Filip Mesar avec la 26e.
Le lendemain, le CH a entamé la deuxième tour en choisissant le centre Owen Beck. Et à la fin de cette ronde, au 62e rang, s’est présentée la parfaite occasion de prendre un beau risque en pariant sur un joueur doté d’habiletés exceptionnelles mais dont le gabarit semblait limiter sérieusement les chances de succès.
Qui risque rien n’a rien, dit l’adage.
Et c’est ainsi que le Canadien se retrouve avec son premier titulaire du trophée Calder depuis Ken Dryden, en 1972.
Certains diront que les recruteurs du CH ont été géniaux. Chose certaine, personne ne pourra leur enlever que ce sont eux qui l’ont sélectionné.
Par contre, s’ils avaient su qu’Hutson allait améliorer le record de Chris Chelios (pour le plus de points amassés par un défenseur recrue du Canadien) et qu’il allait égaler le record de 60 mentions d’aide (toujours pour un défenseur recrue) établi par Larry Murphy en 1981, ils l’auraient choisi bien avant.
En misant Hutson, le CH n’a pas joué son va-tout comme l’avait fait l’élève du film Le Pion. Mais il a judicieusement utilisé son capital de risque. Et ça s’est avéré génial.